Tempête et calme
Jules Verne (1828-1905)
L'ombre
Suit
Sombre
Nuit ;
Une
Lune
Brune
Luit.
Tranquille
L'air pur
Distille
L'azur ;
Le
sage
Engage
Voyage
Bien sûr !
L'atmosphère
De la fleur
Régénère
La senteur,
S'incorpore,
Évapore
Pour l'aurore
Son odeur.
Parfois la brise
Des verts ormeaux
Passe et se
brise
Aux doux rameaux ;
Au fond de l'âme
Qui le réclame
C'est
un dictame
Pour tous les maux !
Un point se déclare
Loin de la
maison,
Devient une barre ;
C'est une cloison ;
Longue, noire,
prompte,
Plus rien ne la dompte,
Elle grandit, monte,
Couvre
l'horizon.
L'obscurité s'avance
Et double sa noirceur ;
Sa funeste
apparence
Prend et saisit le coeur !
Et tremblant il présage
Que ce
sombre nuage
Renferme un gros orage
Dans son énorme horreur.
Au
ciel, il n'est plus d'étoiles
Le nuage couvre tout
De ses glaciales
voiles ;
Il est là, seul et debout.
Le vent le pousse, l'excite,
Son
immensité s'irrite ;
À voir son flanc qui s'agite,
On comprend qu'il est
à bout !
Il se replie et s'amoncelle,
Resserre ses vastes haillons ;
Contient à peine l'étincelle
Qui l'ouvre de ses aquilons ;
Le nuage
enfin se dilate,
S'entrouvre, se déchire, éclate,
Comme d'une teinte
écarlate
Les flots de ses noirs tourbillons.
L'éclair jaillit ;
lumière éblouissante
Qui vous aveugle et vous brûle les yeux,
Ne
s'éteint pas, la sifflante tourmente
Le fait briller, étinceler bien mieux ;
Il vole ; en sa course muette et vive
L'horrible vent le conduit et
l'avive ;
L'éclair prompt, dans sa marche fugitive
Par ses zigzags unit
la terre aux cieux.
La foudre part soudain ; elle tempête, tonne
Et
l'air est tout rempli de ses longs roulements ;
Dans le fond des échos,
l'immense bruit bourdonne,
Entoure, presse tout de ses cassants craquements.
Elle triple d'efforts ; l'éclair comme la bombe,
Se jette et rebondit
sur le toit qui succombe,
Et le tonnerre éclate, et se répète, et tombe,
Prolonge jusqu'aux cieux ses épouvantements.
Un peu plus loin, mais
frémissant encore
Dans le ciel noir l'orage se poursuit,
Et de ses feux
assombrit et colore
L'obscurité de la sifflante nuit.
Puis par instants
des Aquilons la houle
S'apaise un peu, le tonnerre s'écoule,
Et puis se
tait, et dans le lointain roule
Comme un écho son roulement qui fuit
;
L'éclair aussi devient plus rare
De loin en loin montre ses feux
Ce n'est plus l'affreuse bagarre
Où les vents combattaient entre eux ;
Portant ailleurs sa sombre tête,
L'horreur, l'éclat de la tempête
De
plus en plus tarde, s'arrête,
Fuit enfin ses bruyants jeux.
Au ciel
le dernier nuage
Est balayé par le vent ;
D'horizon ce grand orage
A
changé bien promptement ;
On ne voit au loin dans l'ombre
Qu'une
épaisseur large, sombre,
Qui s'enfuit, et noircit, ombre
Tout dans son
déplacement.
La nature est tranquille,
A perdu sa frayeur ;
Elle
est douce et docile
Et se refait le coeur ;
Si le tonnerre gronde
Et
de sa voix profonde
Là-bas trouble le monde,
Ici l'on n'a plus
peur.
Dans le ciel l'étoile
D'un éclat plus pur
Brille et se
dévoile
Au sein de l'azur ;
La nuit dans la trêve,
Qui reprend et
rêve,
Et qui se relève,
N'a plus rien d'obscur.
La fraîche
haleine
Du doux zéphir
Qui se promène
Comme un soupir,
A la
sourdine,
La feuille incline,
La pateline,
Et fait
plaisir.
La nature
Est encor
Bien plus pure,
Et s'endort ;
Dans l'ivresse
La maîtresse,
Ainsi presse
Un lit
d'or.
Toute aise,
La fleur
S'apaise ;
Son coeur
Tranquille
Distille
L'utile
Odeur.
Elle
Fuit,
Belle
Nuit ;
Une
Lune
Brune
Luit.