Premières feuilles
Sabine Sicaud (1913-1928)
Vous
vous tendez vers moi, vertes petites mains des arbres,
Vertes petites mains
des arbres du chemin.
Pendant que les vieux murs un peu plus se délabrent,
Que
les vieilles maisons montrent leurs plaies,
Vous vous tendez vers moi, bourgeons
des haies,
Verts petits doigts.
Petits doigts en coquilles,
Petits
doigts jeunes, lumineux, pressés de vivre,
Par-dessus les vieux murs
vous vous tendez vers nous.
Le vieux mur dit : « Gare au vent fou,
Gare
au soleil trop vif, gare aux nuits qui scintillent,
Gare à la chèvre,
à la chenille,
Gare à la vie, ô petits doigts ! »
Verts
petits doigts griffus, bourrus et tendres,
Vous sentez bien pourquoi
Les
vieux murs, ce matin, ont la voix de Cassandre.
Petits doigts en papier de
soie,
Petits doigts de velours ou d'émail qui chatoie,
Vous savez
bien pourquoi
Vous n'écouterez pas les murs couleur de cendre...
Frêles
éventails verts, mains du prochain été,
Nous sentons
bien pourquoi vous n'écoutez
Ni les vieux murs, ni les toits qui s'affaissent
;
Nous savons bien pourquoi
Par-dessus les vieux murs, de tous vos petits
doigts,
Vous faites signe à la jeunesse !