Nox
Charles-Marie Leconte de Lisle (1818-1894)
Sur la pente des monts les brises apaisées
Inclinent au sommeil
les arbres onduleux ;
L'oiseau silencieux s'endort dans les rosées,
Et
l'étoile a doré l'écume des flots bleus.
Au contour des ravins, sur les
hauteurs sauvages,
Une molle vapeur efface les chemins ;
La lune
tristement baigne les noirs feuillages ;
L'oreille n'entend plus les murmures
humains.
Mais sur le sable au loin chante la Mer divine,
Et des hautes
forêts gémit la grande voix,
Et l'air sonore, aux cieux que la nuit
illumine,
Porte le chant des mers et le soupir des bois.
Montez,
saintes rumeurs, paroles surhumaines,
Entretien lent et doux de la Terre et du
Ciel !
Montez, et demandez aux étoiles sereines
S'il est pour les
atteindre un chemin éternel.
Ô mers, ô bois songeurs, voix pieuses du
monde,
Vous m'avez répondu durant mes jours mauvais ;
Vous avez apaisé ma
tristesse inféconde,
Et dans mon coeur aussi vous chantez à jamais !