Milly ou la terre natale (I)
Alphonse de Lamartine (1790-1869)
Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie ?
Dans son brillant
exil mon coeur en a frémi ;
Il résonne de loin dans mon âme
attendrie,
Comme les pas connus ou la voix d'un ami.
Montagnes que
voilait le brouillard de l'automne,
Vallons que tapissait le givre du
matin,
Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne,
Vieilles tours que
le soir dorait dans le lointain,
Murs noircis par les ans, coteaux,
sentier rapide,
Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour
Attendaient
goutte à goutte une eau rare et limpide,
Et, leur urne à la main,
s'entretenaient du jour,
Chaumière où du foyer étincelait la
flamme,
Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés,
avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...