Le pilori
Renée Vivien (1877-1909)
Pendant
longtemps, je fus clouée au pilori,
Et des femmes, voyant que je souffrais,
ont ri.
Puis, des hommes ont pris dans leurs mains une boue
Qui vint
éclabousser mes tempes et ma joue.
Les pleurs montaient en moi,
houleux comme des flots,
Mais mon orgueil me fit refouler mes sanglots.
Je
les voyais ainsi ; comme à travers un songe
Affreux, et dont l'horreur
s'irrite et se prolonge.
La place était publique et tous étaient
venus,
Et les femmes jetaient des rires ingénus.
Ils se lançaient
des fruits avec des chansons folles,
Et le vent m'apportait le bruit de leurs
paroles.
J'ai senti la colère et l'horreur m'envahir.
Silencieusement,
j'appris à les haïr.
Les insultes cinglaient, comme des fouets
d'ortie.
Lorsqu'ils m'ont détachée enfin, je suis partie.
Je
suis partie au gré du vent. Et depuis lors
Mon visage est pareil à
la face des morts.