Je hais plus que la mort un jeune casanier
Joachim du Bellay (1522-1560)
Je hais plus que la mort un jeune casanier,
Qui ne sort jamais
hors, sinon aux jours de fête,
Et craignant plus le jour qu'une sauvage
bête,
Se fait en sa maison lui-même prisonnier.
Mais je ne puis aimer
un vieillard voyager,
Qui court deçà delà, et jamais ne s'arrête,
Ains
des pieds moins léger que léger de la tête,
Ne séjourne jamais non plus qu'un
messager.
L'un sans se travailler en sûreté demeure,
L'autre, qui n'a
repos jusques à tant qu'il meure,
Traverse nuit et jour mille lieux dangereux
:
L'un passe riche et sot heureusement sa vie,
L'autre, plus
souffreteux qu'un pauvre qui mendie,
S'acquiert en voyageant un savoir
malheureux.