Elle était déchaussée, elle était décoiffée
Victor Hugo (1802-1885)
Elle était déchaussée, elle était décoiffée,
Assise, les pieds
nus, parmi les joncs penchants ;
Moi qui passais par là, je crus voir une
fée,
Et je lui dis : Veux-tu t'en venir dans les champs ?
Elle me
regarda de ce regard suprême
Qui reste à la beauté quand nous en
triomphons,
Et je lui dis : Veux-tu, c'est le mois où l'on aime,
Veux-tu
nous en aller sous les arbres profonds ?
Elle essuya ses pieds à l'herbe
de la rive ;
Elle me regarda pour la seconde fois,
Et la belle folâtre
alors devint pensive.
Oh ! comme les oiseaux chantaient au fond des bois
!
Comme l'eau caressait doucement le rivage !
Je vis venir à moi, dans
les grands roseaux verts,
La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
Ses
cheveux dans ses yeux, et riant au travers.