Au tribunal d'amour, après mon dernier jour
Théodore Agrippa d'Aubigné (1552-1630)
Au tribunal d'amour, après mon dernier jour,
Mon coeur sera
porté diffamé de brûlures,
Il sera exposé, on verra ses blessures,
Pour
connaître qui fit un si étrange tour,
À la face et aux yeux de la Céleste
Cour
Où se prennent les mains innocentes ou pures ;
Il saignera sur toi,
et complaignant d'injures
Il demandera justice au juge aveugle Amour
:
Tu diras : C'est Vénus qui l'a fait par ses ruses,
Ou bien Amour,
son fils : en vain telles excuses !
N'accuse point Vénus de ses mortels
brandons,
Car tu les as fournis de mèches et flammèches,
Et pour les
coups de trait qu'on donne aux Cupidons
Tes yeux en sont les arcs, et tes
regards les flèches.